« 120 Battements par minute » : Militer pour la vie

120 Battements par minute,

De Robin Campillo

Le Grand Prix du Festival de Cannes peut se vanter d’avoir volé la vedette à la Palme d’Or… Avant même la consécration officielle, 120 Battements par minute avait déjà fait couler les larmes de toute la croisette, devenant instantanément la Palme du cœur.

Le film revient sur une sombre période de l’histoire. Dans les années 90, alors que l’épidémie du sida fait rage et tue dans l’indifférence générale, un groupe de militants majoritairement composé d’homosexuels séropositifs, fondent l’association Act Up. Leurs actions tendent à éveiller les consciences, mais surtout à faire pression sur le gouvernement. Plutôt que de chercher des solutions (traitements, vaccins) pour faire reculer l’épidémie ou mener des campagnes de prévention, celui-ci préfère en effet largement fermer les yeux sur cette « maladie honteuse ». Act Up, par son engagement, sa détermination et sa ténacité fera réagir l’opinion publique. 120 Battements par minute nous conte cette forte histoire de vie et de militantisme où la mort plane, prête à s’abattre telle une épée de Damoclès. Mais en attendant le gong final, il y a le combat.

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« Death Note » sur Netflix : autopsie d’une adaptation (Spoilers à la fin de l’article)

Death Note sur Netflix

d’Adam Wingard

Paru pour la première fois en décembre 2003 dans le magazine Weekly Shônen Jump, Death Note est rapidement entré dans le Panthéon sacré de la littérature manga, écrit par Tsugumi Ôba et dessiné par Takeshi Obata. Les 13 volumes du Shônen raconte l’histoire de Raito Yagami, lycéen brillant et populaire, ayant ramassé par hasard un Death Note, apte à ôter la vie de toute personne dont le prénom et le nom sont inscrits dans le carnet. Ces premières pages ouvrent une folle aventure menée par le jeune étudiant, nouveau justicier des Humains, qui a pour but ultime de devenir le nouveau dieu sur Terre. En 2006, le succès du manga a naturellement donné naissance à une adaptation anime de Death Note, réalisé par Tetsurô Araki, en 37 épisodes.

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« Baby Driver » : le bolide qui carbure aux références

Baby Driver,

d’Edgar Wright

Fort de sa trilogie du Cornetto, dont fait partie le culte Shaun of the dead, Edgar Wright est l’auteur d’excellentes comédies d’action et d’horreur. Jusqu’ici, c’est un sans faute. Et puis, arrive Baby Driver, superbe divertissement instantané auréolé de hype qui certes ne révolutionne (presque) pas l’histoire du cinéma, mais qui place toutefois Edgar Wright au panthéon des grands auteurs de notre siècle. Si on éprouve un plaisir immédiat et facile devant Baby Driver, à l’instar de ses précédentes productions, on ne peut nier un upgrade évident. La consécration d’un maître de la mise en scène, du rythme et du bon goût en matière de références.

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« It comes at night » : psychose pestilentielle

It comes at night

de Trey Edward Schults

L’année dernière, un sort avait frappé The Witch de Robert Eggers, accusé de ne pas avoir offert le film décrit dans sa promotion. Dans les couloirs du métro et les bandes-annonces, une campagne marketing nous promettait le film d’horreur estival, une savoureuse gourmandise d’action horrifique pour nos boules à hormones boutonneuses. À sa sortie, la rumeur se répand : des spectateurs quittent la salle avant la fin et les mauvaises critiques du public (deux étoiles sur le site Allocine) se multiplient. Face à ce phénomène, on se dit qu’on est peut-être face à un énième navet du genre. Lors de la projection, on découvre avec surprise un film élégant et sensoriel, inspiré des peintures classiques et baroques du XVIIe siècle. Une mauvaise promotion qui a injustement condamné The Witch à avoir une mauvaise réputation.

Un an plus tard, la même Infortune a destiné It comes at night de Trey Edward Schults à avoir un parcours similaire.

Dans un monde ravagé par une mystérieuse pandémie, Paul vit dans une forêt reculée avec sa femme et son fils. En venant en aide à une famille, le trio met en place des règles strictes pour maintenir un ordre de plus en plus fragile.

L’humanité au bord du chaos

Une respiration douloureuse dans l’obscurité précède la vue d’un corps maigre et affaibli, infecté de boules pestilentielles. Près de lui, un deuxième personnage portant un masque à gaz fait des adieux déchirants à son père mourant, avant de le voir emmené par deux autres protagonistes masqués. Bien que la présence des masques à gaz nous fait clairement comprendre que nous sommes face à un contexte exceptionnel – amplifié par la mise à mort du vieil homme par un coup de revolver après un « Désolé, Bud » – nous avons été témoin d’une expérience humaine universelle, vieille comme le monde : le départ d’un proche dans l’autre monde.

Cette première  scène, fabuleusement bien montée, pose les bases de l’univers du film ; un monde post-apocalyptique, détruit par cette étrange infection dont avait été victime Bud, aux symptômes très similaires à la peste, dont la peinture médiévale accrochée à un mur y fait clairement référence. Néanmoins, la scène d’exécution est suivie par un dîner familial très intimiste : Paul, le mari, assis au centre de la table tel un patriarche, tente de réconforter sa femme Sarah, en pleurs pour la mort de son père. Pendant ce temps, leur fils Travis, jeune garçon de 17 ans, reste silencieux dans sa douleur. À travers ses veillées nocturnes, l’adolescent ressasse ses profondes angoisses : la mort violente de son grand-père, sanglante et pestilentielle, une vie recluse avec ses parents apeurés dont un père autoritaire… Au cours de ces heures obscures, la frontière séparant le cauchemar et la réalité devient de plus en plus mince.

Mêlant le deuil, les liens familiaux et la peur de la contamination, le film expose très rapidement ses thématiques, qu’il confronte après l’intégration d’une autre famille aux abois dans la maison de Paul et de Sarah. Comme dans la série The Walking Dead, on est tiraillé entre sauver son prochain et maintenir sa sécurité, un dilemme compréhensible qui n’est pas baigné, fort heureusement, par un manichéisme candide. En effet, l’humanité n’avait jamais aussi peu brillé que lorsqu’elle se mettait à vaciller.

Imágenes "Llega de noche"

« Quand je pense que je pestais toute la journée contre mes élèves de 4ème B… »

De la peur à la psychose destructrice

En mari et père protecteur, Paul agit comme un chef de famille responsable et aimant. Les membre de sa famille constitue sa seule priorité et sa demande de ne pas venir le chercher lors d’une expédition s’il ne revenait pas le rend assez touchant et attachant… Ou presque.

Mettre en place les règles établies par Paul ont donné naissance à une micro-société à l’apparence stabilisée mais de plus en plus tendue par la psychose de ce dernier. Le moindre éternuement peut sembler suspect. En suivant le point de vue de la première famille, notamment celle de Travis, plusieurs éléments du comportement des autres protagonistes nous interpellent, jusqu’à transformer les spectateurs en véritables paranoïaques : psychose de la contamination, du pillage de vivres, du sadisme humain etc.

Stanley and Bud

« Ensemble, tout ira bien »

Le génie du réalisateur a été d’assumer le mystère jusqu’au bout. Tout événement implique une interprétation individuelle du spectateur, sans avancer le dangereux « démerdez-vous », qui peut être une solution de facilité d’écriture. Ici, il devient un véritable écho sur la situation psychologique des personnages. La tension de l’autre famille se développe également par la peur de la réaction de Paul, effrayée d’être tuée pour une simple grippe. Poussée par une peur primaire de la mort, l’instinct de survie précipite la nature humaine à des réactions irrationnelles, jusqu’à considérer la violence comme une option nécessaire.

 

It comes at night / The witch : les promoteurs ont-ils infantilisé le public ?

Au cours de la séance, plusieurs personnes avaient quitté la salle, dont des groupes d’adolescents. Malgré la qualité de l’œuvre, je n’avais pas été surprise de leur départ : le petit jeune de 15 ans ayant amené ses copains pour des sensations fortes s’était retrouvé, un peu gêné, face à un film assez lent – sans être contemplatif – prenant son temps pour faire progresser la psychologie des personnages, dans un ton grave et parfois dramatique.  La morbidité de l’univers peut également transmettre un profond malaise, comme dans les cauchemars de Travis et la réapparition de son grand-père agonisant.

On ne pourrait reprocher à ces jeunes – ou vieux – spectateurs avides de petits nanars horrifiques et divertissants, d’avoir protesté car It comes at night ne fut pas le nouveau Paranormal Activity. Mais le problème ne vient pas du film en lui-même. Celui-ci est, comme The witch, maitrisé et intéressant en tout point de vue, avec un casting parfaitement bien dirigé – dont une mention spéciale pour les interprètes masculins. En raison de son emprunt à certains codes de l’épouvante, il a été victime d’une campagne de promotion dirigée vers un public habitué à un certain style du cinéma d’horreur, probablement pour des raisons opportunistes commerciales.

Nous sommes bien loin de l’hybridation des genres de cinéma, comme à l’époque de Cronenberg, voire même de Carpenter. Aujourd’hui, les catégories ont établi des frontières infranchissables, comme si un film dramatique ne pouvait pas côtoyer le thriller, l’action ou l’aventure. Davantage que les autres genres depuis les années 2000, l’horreur s’est recroquevillé pour ne devenir, aux yeux de certains promoteurs, qu’un divertissement pour une assemblée de kikoolol accompagnées de leurs petits copains protecteurs. Il suffit de se pencher sur l’évolution de la saga The Ring pour comprendre sa terrible destinée (de 1999 à aujourd’hui), malgré quelques petits miracles comme The Conjuring de James Wan (2013), It follows de David Robert Mitchell (2014) et le Franco-belge Grave de Julia Ducournau (2017).

En infantilisant le public, comme incapable d’apprécier un film comme It comes at night, la campagne publicitaire a préféré attirer des consommateurs faciles à pêcher, jusqu’à sacrifier la réputation de leur « produit ». Mais ce phénomène renvoie à une conséquence bien plus grave que cette croyance en la connerie du spectateur : celle du manque de confiance en ces projets artistiques. Une triste réalité qui piétine les efforts de réanimer un certain cinéma par de jeunes auteurs pourtant talentueux.

En attendant la Justice League of Art pour mettre de l’ordre dans tout ce foutoir, je n’éprouve qu’une triste sympathie et reconnaissance pour cette expérience de cinéma, en bénissant le fait de n’avoir croisé ni bande-annonce, ni synopsis sur mon chemin, avant de découvrir la première scène si poignante d’It comes at night.

 

 

« L’Amant Double» : Double ration d’ennui

L’Amant Double,

De François Ozon

Le dernier film de François Ozon, présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, fleurait bon le thriller sulfureux et psychologique passionnant, évoquant un De Palma à la française teinté de vertiges Hitchcockien… Résultat des courses : on se serait bien passé de cet exercice de style affecté, tombant dans les pires travers d’un scénario creux et malhabile ne reposant que sur l’efficacité d’un suspens artificiel : maintenir l’intérêt du spectateur en le suspendant à une molle tension dramatique, entièrement subordonnée à un twist final s’avérant en fin de compte plus que décevant et pitoyablement prévisible.

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« Alien Covenant » : autodestruction d’un chef-d’œuvre

Alien Covenant

de Ridley Scott

Alien…

Je crois qu’il n’existe pas un plus grand amour du cinéma que mon adoration envers le mythique, sublime, terrifiant xénomorphe, cette effrayante créature au corps si sexué, sortie de l’imagination du génie Hans Ruedi Giger, incarnation du viol et du matriarcat des plus violents. Enfance, adolescence, aujourd’hui, Alien est mon maître, une adoration du septième art, qui restera à jamais dans mon sanctuaire sacrée des plus grandes sagas de l’Histoire.

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« Get Out » : Humour noir sur fond rouge

 

Get Out,

De Jordan Peele

Inconnu au bataillon (ou presque), Jordan Peele a pourtant vu sa côte de popularité monter en flèche depuis la sortie de sa toute première réalisation, Get Out, désormais sur toutes les lèvres. Derrière ce tour de force, on retrouve aussi Jason Blum, producteur à l’origine de nombreux succès horrifiques de ces dernières années (Insidious, Paranormal Activity, Sinister.)  Mais cette nouvelle perle du cinéma d’épouvante ne joue pas dans la même catégorie, loin de là… Pourquoi Get Out a-t-il suscité tant d’émoi ? Quel est son ingrédient secret ? Il faut dire qu’une comédie grinçante versant dans le film d’horreur politique, cela ne se voit pas non plus tous les jours.

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« Logan » : enfant bâtard ou fils à papa ?

Logan

de James Mangold

Que l’on soit geek, amateur de pop culture, bon public ou tout simplement friand de cinéma de genre, la sortie d’un film de super-héros représente toujours un rendez-vous social et cinéphilique incontournable, faisant couler au passage beaucoup d’encre. Les X-men sur grand écran font les beaux jours de Marvel (devenu une filiale de Disney en 2009) depuis maintenant 17ans… Entre les trilogies, les reboot et les spin-off sur Wolverine (dont des retours dans le temps générant une nouvelle timeline, rien que ça) autant dire qu’on se perd un peu dans cette cosmogonie complexe… Et sans vouloir dénigrer la qualité de la saga X-men aux multiples thématiques et aux enjeux dramatiques tout à fait pertinents, on a parfois le sentiment d’un récit un peu surexploité se jouant sous nos yeux. Le dernier-né, Logan, est-il comme on l’espérait l’enfant bâtard de cette saga super-héroique ou n’est-il qu’un énième fils à papa heureux de perpétuer l’héritage ?

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« Grave » : sexualité cannibale

Grave

de Julia Ducournau

Il est de notoriété publique que la production française n’est pas friande du cinéma de genre, particulièrement pour l’horrifique ou le gore. Si on est habitué à voir des comédies « efficaces » comme la prochaine recette De Chauveron et sa soupe grasse racisto-populiste, la diversité des saveurs artistiques ne figure pas encore au menu du pays du coq. Mais il serait cruel de ne pas repérer les tentatives ; issue de La Fémis (promotion 2008), Julia Ducournau réalise le film d’horreur Grave, en co-production avec la Belgique, obtenant au passage le grand prix de la 24e édition du Festival du film fantastique de Gérardmer.

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